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Antibiotiques et Elevage : le Ministre de l'Agriculture va-t-il en révolutionner l'utilisation ?

Le 14 Novembre dernier, lors du colloque sur l'antibiorésistance, le nouveau Ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a affiché une volonté claire de révolutionner l'utilisation des antibiotiques en élevage.

 

Photo Wikipedia

 

Pour bien comprendre son discours, il faut avoir connaissance de la situation actuelle. Au jour d'aujourd'hui, la délivrance d'un médicament (et non pas d'un supplément vitaminique ou autre) est un acte important. Pour l'élevage en particulier, il nécessite l'établissement préalable d'un diagnostique vétérinaire, c'est-à-dire que le vétérinaire passe dans l'élevage, examine le problème, établit une prescription, et ensuite le médicament est délivré à l'éleveur par les ayants droits, autrement dit un vétérinaire ou un pharmacien ( ET NON PAS un assistant ou une secrétaire de tout poil).

 

Or, la situation réelle, c'est que dans la médecine vétérinaire des années 70-80-90....et 2000, l'on pouvait voir des éleveurs se présenter à un cabinet vétérinaire ou à une officine, demander (quelquefois même sans ordonnance) tel ou tel médicament, et en particulier des antibiotiques, et repartir à la maison sans avoir vu le moindre vétérinaire et sans que qui que ce soit ait vu la moindre bête malade.

 

Résultat : des milliers de tonnes d'antibiotiques furent utilisés à plus ou moins bon escient, quelquefois avec le syndrôme du ça-marche-pas-j'en-essaie-un autre, etc...

 

Dans les années 2000, les autorités ont décidé à raison de resserrer un poil les boulons et d'interdire ces pratiques, mais en décidant de mettre en place un Bilan Sanitaire d'Elevage effectué annuellement par le vétérinaire, qui déboule sur un Protocole de Soins, qui permet finalement à l'éleveur, pour les pathologies listées comme importantes dans l'élevage, de venir chercher son médicament plus ou moins comme précédemment. Mais au moins un vétérinaire était au courant que l'éleveur allait avoir besoin de ce médicament, et normalement il y avait rédaction d'ordonnance par ce même vétérinaire qui donc était présent lors de la délivrance, ou cautionnait cette dite délivrance en pharmacie.

 

Ah, et n'oublions pas que parmi les fameux ayants droits de la délivrance, se trouvaient également les groupements d'éleveurs, qui, par ce biais, négociaient en gros des prix que leur brave vétérinaire ou pharmacien de campagne ne pouvait point obtenir, si même il le voulait. (Comment ça, des non-vétérinaires et non-pharmaciens qui achètent et vendent des médicaments ? Ouuuui, c'est vrai, j'ai oublié de vous dire que oui, ces fameux groupements ont le droit sur certains médicaments présents sur une liste positive de médicaments qu'ils peuvent acheter et délivrer eux-mêmes, du moment qu'ils ont un brave salarié quelque part en France avec un diplôme de vétérinaire. Oui, même s'il n'examine pas les animaux. Parfaitement.).

 

Autre point-clef à connaître : il existe un certain nombre d'aliments médicamenteux, c'est-à-dire d'aliments pour le bétail qui intègrent déjà dans leur préparation, dans le cas qui nous occupe, un antibiotique. On peut les utiliser pour soigner une maladie spécifique, mais en fait leur utilisation est en général préventive, c'est-à-dire que chez un engraisseur, paf, il y a un lot de taurillons ou de poulets ou de porcs qui arrivent, ont leur donne tel aliment, puis/et/ou tel autre, quelquefois sans grande utilité, mais on le fait quand même car les animaux qui n'en ont pas, tombent malades, ou même s'ils ne sont pas malades, ils sont un peu moins costauds.

 

Revenons au problème des antibiotiques. Le problème est que, globalement, on utilise tellement d'antibiotiques qu'assez fréquemment (même si la fréquence en est discutée) des personnes malades se voit diagnostiquer une maladie due à une bactérie toute bête - tout bête oui, sauf que cette maladie est résistante à tout, même aux antibiotiques les plus récents et efficaces que l'on ait découvert. Si on a de la chance elle est sensible quand même aux très vieux antibiotiques que plus personne n'utilise, mais il faut avoir de la chance.

 

Résultat : un certain nombre d'antibiotiques, appelés antibiotiques critiques en médecine vétérinaire, par trop utilisés, ne devraient en toute logique être réservé qu'aux cas les plus graves, et sont en fait utilisés au moindre bobo, car - eh bien, car ils fonctionnent bien tout simplement (ajoutons pour la petite histoire qu'un bon nombre d'antibiotiques hospitaliers extrêmement efficaces, sont interdits en médecine vétérinaire et n'existent donc pas en forme adaptée à l'élevage ; et que d'autre part la part de responsabilité de l'utilisation des antibiotiques en médecine vétérinaire dans l'apparition de bactéries multirésistantes est très contestée car jamais établie ou étudiée).

 

Donc, maintenant que nous avons les clefs de compréhension en main, voyons voir ce qu'a dit le Ministre : en deux points, pour ce qui nous intéresse vraiment.

 

  1. Retirer de la liste positive les antibiotiques critiques : excellente initiative ; un esprit malin pourrait dire qu'il serait également utile de retirer tous les autres antibiotiques, voire tous les médicaments, mais c'est un début.
  2. Mettre un terme à l'utilisation des aliments médicamenteux : on ne dira jamais assez à quel point cette proposition, si elle est suivi d'effet, sera bénéfique sur l'alimentation et sur les résistances bactériennes. En effet 55% des antibiotiques utilisés dans le bétail se présentent sous cette forme.

Ce pourrait donc être une véritable révolution que propose le ministre, et c'est la première fois que la volonté politique est d'aller dans ce sens. Voyons si tout ça va se concrétiser.



09/01/2013
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