LVEV - Le Blog de la Vie en Vert

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Assiette tous risques, pièces à conviction et Elise Lucet : l'analyse de LVEV

Bonjour à tous,

la semaine dernière est passée sur France 3 l'émission Pièces à Convictions, titrée "assiette tous risques". Je l'ai malheureusement manquée sur le coup, mais après sollicitation de mes millions de fans, je suis passée la voir sur ce site : http://programmes.france3.fr/pieces-a-conviction/ . Edifiant, bien sûr. Evidemment, le blog de La Vie En Vert a son mot à dire sur la question, et vous livre donc ici son analyse.

Lorsque j'ai pris quelques notes pour commenter l'émission, il m'est apparu que la première chose qui nous vienne à l'esprit face à ce genre de reportage, ce sont des critiques. Je vais donc vous livrer mes pensées telles qu'elles me sont venues, mais je suis loin de n'avoir que des critiques à formuler vis-à-vis de cette émission, qui va, dans son immense majorité dans le même sens que lvev.

Cette émission se divise en plusieurs parties :

I. Saumon norvégien & diflubénuron

L'ouverture de l'émission est consacrée à un problème dont j'avais déjà parlé ici : https://lvev.blog4ever.com/blog/lire-article-292256-1172131-premier_article___solution_d_un_probleme_conso_per.html ; c'est-à-dire le problème des poissons d'élevage. Le diflubénuron mis en cause dans ce reportage est un inhibiteur de la synthèse de chitine, c'est-à-dire qu'il empêche les insectes (et accessoirement certaines mycoses) de se développer. Pour mémoire c'est un cousin du PROGRAM utilisé pour le contrôle des puces chez les chiens et les chats. Même si c'est vrai qu'on a peu de données sur le diflubénuron en lui-même, on connaît déjà quelques caractéristiques communes de ces antiparasitaires (les Benzoylurées) :

1) Ils se stockent dans la graisse

2) Ils sont très bien tolérés chez les mammifères, même à des doses extrêmement fortes.

Ceci a pour conséquence, tout d'abord que le saumon doit en toute logique en stocker une bonne quantité, mais qu'il n'y a plus que probablement aucun effet toxique sur le consommateur.

Or le reportage est résolument axé sur « c'est un produit interdit en Union Européenne, mon dieu mais que fait-il dans notre assiette ? ».

Mauvais angle, selon nous. Pour lvev, la problématique est double, et même si elle est brièvement abordée dans le sujet, comme je l'ai dit, l'angle est plus concentré sur l'aspect qu'un produit interdit en UE est forcément mauvais.

Ce reportage pose la question de l'effet des médicaments/pesticides en général sur notre organisme.

J'ai dit plus haut qu'il n'y avait plus que probablement aucun effet toxique. Mais toxique ne veut pas dire cancérigène. Les benzoylurées dont j'ai pu retrouver la trace ne mettent pas en évidence d'effets cancérigènes chez les animaux de laboratoire. Très bien. Mais autant une expérimentation permet de mettre en évidence l'absence d'effet toxique, autant l'effet cancérigène sur le long terme est une autre paire de manches à évaluer.

L'avis de lvev est que moins on retrouve de pesticides dans notre nourriture, moins on aura de cancers par la suite…

Que deviennent les pesticides utilisés ?

Bonne question. L'association écologiste en parle assez brièvement : des inhibiteurs de synthèse de chitine relargués dans l'eau des rivières sont une catastrophe écologique majeure…la chitine est un composant essentiel de la carapace des crustacés, de l'exosquelette des insectes, vers et autres parois de champignons. Toutes ces formes de vie ne peuvent donc plus exister en aval de ces fermes d'élevage.

Plus qu'une honte législative et un vilain produit pour notre assiette, on parle donc là d'une part du fait que tous les pesticides peuvent être néfaste à notre santé, mais aussi des catastrophes écologiques majeures créées par les produits utilisés en fermes d'élevage : pesticides, hormones, antibiotiques…de nombreux produits autorisés par l'UE et dont l'utilisation est plus que fréquente en pisciculture et en aquaculture en général…aujourd'hui, trouver en France du bœuf aux hormones est exceptionnel, du poisson d'élevage aux hormones est la norme.

II. Poissons français & PCB

Vient ensuite le sujet sur les PCB en Manche (et en rivière). Que dire ? Les PCB ont été rejetés massivement par l'industrie, le sont parfois toujours. Qu'on interdise la pêche de certaines espèces est plutôt une bonne chose dans cette optique, sachant que les prochaines générations de poissons sont de toutes façons déjà contaminées…La seule chose à faire reste d'interdire la pêche des poissons contaminés, et surtout de contrôler au maximum les industries responsables de cette pollution.

III. Fraises espagnoles et bromure de méthyle

Là encore, je trouve que l'accent du reportage est un poil trop orienté « encore un produit interdit qui se retrouve dans notre assiette ». Or, qu'en est-il vraiment ? Le bromure de méthyle a été interdit d'abord pour son effet sur la couche d'ozone, et ensuite pour garantir la sécurité des travailleurs qui l'utilisaient. Par ingestion, c'est un peu plus inquiétant que pour le diflubenuron, puisque les fiches de sécurité, notamment de l'UE, indiquent qu'une ingestion prolongée peut être toxique sur divers organes, mais apparemment à des doses extrêmement élevées…

Encore une fois, c'est surtout l'effet écologique et les possibles effets cancérigènes qui me préoccupent…sans compter que le reportage montre bien que l'industrie d'importation soi-disant contrôlée l'est de manière quasi inexistante.

IV. Les cochons grandissent aux antibiotiques

J'en parlerai plus bas…

V. Le Mot du Ministre

Vient ensuite notre ministre de l'Agriculture et de la Pêche. Simplement deux choses à en dire…Premièrement, Monsieur Lemaire n'a rien dit d'intéressant. Pas une seule action concrète annoncée. Juste une indignation de bon aloi, et la vague promesse que tout irait mieux.

Deuxièmement, après un bon premier mouvement, il n'a pas eu vraiment le courage d'aller jusqu'au bout de son geste, et se servir dans l'assiette que notre chère Elise lui a présentée…Pourtant, si le reportage a démontré la présence de pesticides, PCB, antibios, etc…, pourquoi se priver ? Ce n'est pas parce qu'il y a des petites étiquettes dessus que c'est plus toxique que ce qu'on mange d'habitude…

Prendre une denrée dans cette assiette aurait pu montrer que oui, ces produits étaient contaminés par divers produits, mais qu'ils étaient mangeables, et pas forcément mauvais pour autant ; oui, il faut améliorer les choses ; oui, certaines pratiques sont inacceptables ; mais non ce n'est pas une raison pour jeter à la poubelle tout ce qu'on peut trouver sur les étals…Ceux qui se disent qu'il a eu raison de ne pas y toucher doivent être ceux qui ne mangent QUE bio (et encore, même eux…).

VI. Antibiotiques & Bactéries résistantes

Avant-dernier sujet scabreux de cette émission…et non des moindres, puisqu'il présente le véritable scandale de l'émission. En fait, il s'agit de deux problèmes différents, mais liés aux mêmes pratiques.

On ne devrait pas pouvoir retrouver d'antibiotiques dans la viande ou ses produits dérivés.

Il faut savoir que chaque antibiotique possède ce qu'on appelle un délai d'attente, au bout duquel il est suffisamment éliminé de l'animal pour que l'antibio ne puisse se retrouver à l'abattoir. Par exemple, quand un produit affiche 12 jours de délai d'attente, et qu'on abat la bête au 13ème jour, on ne retrouve rien. L'histoire de l'éleveurs de chiens et de ses animaux à tétracyclines est une honte totale. Bien sûr, élever ses chiens à la carcasse de poulet est un non-sens nutritionnel total. Bien sûr, on peut peut-être arguer que l'abattoir lui refile les carcasses qu'il sait impropre à la consommation humaine. Il n'en reste pas moins qu'on ne devrait JAMAIS retrouver ce genre de produit dans une carcasse d'abattoir. Dans ce cas là, la faute est double, et patente :

1) Mauvaise prescription du vétérinaire ou utilisation hors prescription par l'éleveur

2) Défaut de contrôle complet de l'abattoir.

Il est totalement scandaleux que l'on puisse, comme on le voit dans le reportage, aller chercher des antibiotiques chez le vétérinaire comme au supermarché…Mis à part dans le cadre du Protocole de soins rédigé avec le vétérinaire et où l'éleveur et le vétérinaire définissent ensemble certains besoins, tout médicament doit faire l'objet d'une prescription personnalisée. Que l'éleveur, en toute connaissance de cause, aille chercher des médicaments comme ça, et que le vétérinaire autorise cette délivrance au comptoir sont deux attentats à la santé publique.

L'utilisation abusive des antibiotiques comme promoteurs de croissance.

Ce deuxième cas est, attention, totalement différent mais pas moins scandaleux. Il s'agit là d'éleveurs qui utilisent des antibiotiques en respectant une prescription et des délais d'attente. Il y a dans ce cas-là une prescription abusive, que ce soit par le vétérinaire de coopérative d'élevage ou par le vétérinaire de l'exploitation, et une utilisation abusive, quelquefois inconsciente d'ailleurs, de l'éleveur.

Sans avoir à jeter l'opprobre sur les vétérinaires ou les éleveurs, nous savons tous que dans toutes les professions il y a des malhonnêtes, et dans ces cas-là il s'agit bien de malhonnêteté ; et de malhonnêteté criminelle, d'ailleurs le représentant de l'Ordre des Vétérinaires ne défend pas ces gens, comme pourraient le faire certains représentants de filières économiques qui prétextent d'être pris à la gorge pour justifier des actes préjudiciables à la santé publique.

Sur le fait des résistances aux antibiotiques, il faut être clair : si ce genre de pratique participe évidemment à l'acquisition de résistance, le reportage est ostensivement catastrophiste, alors que la première cause d'acquisition de résistance se fait lors de l'utilisation généralisée et abusive des antibios chez les humains. D'ailleurs la campagne « les antibiotiques c'est pas automatique » est une première forme de réponse à ce problème (il faut noter que les résistances les plus graves se font à la méthicilline, antibiotique qui n'est pas utilisé en médecine animale).

Même si la situation des résistances dues aux médicaments vétérinaires est loin d'être aussi catastrophique que le reportage le laisse paraître, si il faut se garder de généraliser sur ce que tous pratiquent au quotidien, et si les pratiques en productions animales sont un bouc émissaire un peu trop facile dans ce genre de situation, il n'en reste pas moins que vétérinaires, éleveurs et abattoirs ont d'une manière générale des progrès à faire…

VII. Manger bio ou pestiféré ?

La petite expérience de fin d'émission fut amusante, mais sans conclusion vraiment surprenante : avec le bio on rejette moins de résidus dans nos urines. Ô surprise. On mange moins gras. Ô étonnant. On se sent mieux . Peut-être bien ; comme le dit d'ailleurs très justement le journaliste, c'est peut-être l'effet placebo, mais en tous cas moi j'en retiendrais qu'on ne se sent pas plus mal.

Le moment est en fait venu de se demander pourquoi ; pourquoi les pesticides ; pourquoi les résidus de médicaments (pour les PCB, au moins, on sait que c'est une pollution indépendante de la volonté des filières de production). La réponse facile c'est l'argent : oui, ça produit mieux.

Mais il faut voir un petit peu plus loin que ça : les poux du saumon ne prolifèrent pas de la même manière sur des saumons en liberté, les diarrhées de porcs apparaissent beaucoup moins sur les porcs plein air, les poulets ont moins de problèmes respiratoires quand ils sont 1000 à l'hectare que 1000 sur 6 mètres sur 6.

TOUS CES PROBLEMES CONTRE LESQUELS ON LUTTE A GRAND RENFORT DE PRODUIT CHIMIQUES ET PHARMACEUTIQUES PEUVENT ÊTRE EVITES QUAND LA DENSITE DE LOGEMENT EST MOINDRE.

En effet, la densité influe directement sur la vitesse et la puissance de propagation des maladies. La véritable solution à tous ces problèmes n'est pas d'interdire ces produits et de s'en laver les mains, c'est de produire de manière à ne plus avoir besoin d'eux : porcs et poulets plein air, veaux sous la mère, etc…car manger bio, c'est bien, mais tant qu'il y aura un élevage de saumon aux pesticides en amont de votre élevage bio, vous mangerez des pesticides.

Le véritable responsable de tout ça, c'est le consommateur qui va au plus pratique, au moins cher, qui demande toujours et toujours plus. Le bio n'est pas obligatoire, mais le plei air, un élevage respectueux des animaux et des consommateurs, oui.

Les journalistes, les responsables politiques et les associations écologistes ne peuvent rien faire si les consommateurs que nous sommes demandent encore des poulets en batterie…



10/07/2010
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